Patrick Ochs et sa femme Chantal, sont producteurs d’huile d’olive bio, classée depuis plus de 10 ans parmi les meilleures huiles d’olive du monde. Patrick Ochs, docteur ès sciences de gestion, est l’auteur de plusieurs ouvrages et articles scientifiques sur l’investissement immatériel. Implantés dans le Luberon, Les Terroirs de Saint Laurent sont voisins du Domaine Beauvence, nous l’avons interrogé sur le fondement de l’agroécologie.
Patrick, qu’est-ce que l’agroécologie ?
L’agroécologie, c’est des méthodes qui utilisent la nature de façon simple, respectueuse de l’environnement. C’est le fait d’appréhender la nature telle qu’elle est, dans sa vérité, sans apport de produit chimique. Le risque, bien entendu, est d’avoir, peut-être, des rendements plus faibles. Nous sommes plus sur un résultat espéré qu’un objectif de résultat !
C’est donc une grosse incertitude de production tout de même ?
L’agriculteur dans le monde de l’agroécologie est au quotidien confronté à l’incertitude. Il envisage cette incertitude en obéissant à la nature et en conjuguant son savoir-faire avec cette nature au quotidien. C’est en cela, qu’il faut tirer des leçons. L’agroécologie, c’est mener des terres, des oliviers, des vignes, des céréales en allant plus loin que dans l’agriculture biologique. À partir de ce moment-là, l’incertitude est appréhendée de façon correcte sans pour autant détourner le monde agricole de sa véritable vocation: nous nourrir, sans lui apporter de produits chimiques.
En quoi cela va t’il au-delà de la culture biologique ?
Le bio, c’est une pratique qui oblige l’agriculteur à n’utiliser aucun produits phytosanitaires sauf ceux qui sont tolérés par les normes en vigueur. Concrètement, quand on cultive en biologique, on peut utiliser des produits naturels pour lutter contre les parasites.
Pouvez-vous nous donner quelques exemples concrets ?
Une ou deux fois par an, il y a un phénomène de parasite qui apparaît sur les oliviers qui s’appelle l’œil-de-paon, qui se pose sur la feuille de l’olivier et qui fait tomber la feuille. L’olivier se défeuille. Deux possibilités, la première, on est en bio, on utilise de « la bouillie bordelaise » qui est tolérée à une certaine dose et à appliquer sur les feuilles. En agro-écologie, on laisse l’arbre créer lui-même son propre système immunitaire. On ne traite pas quoi qu’il en soit avec un produit. Un peu à l’image de ce que nous sommes nous. Nous décidons de ne plus prendre d’antibiotique, nos anticorps se développent d’eux même. C’est pareil pour les arbres.
Autre exemple, l’olivier, est excessivement sensible à la mouche de l’olive. C’est une mouche un peu plus petite que la mouche traditionnelle. Ce petit parasite est en mesure de pondre plus de 600 œufs en une journée. Un œuf par olive. Elle peut donc anéantir 600 olives en une journée. Cette mouche est attirée par la couleur de l’olive. Elle pond, l’olive pourrie et elle tombe, donc le fruit est perdu. Dans le monde biologique, il existe des antidotes naturels, mais il existe aussi en agroécologie une autre approche qui consiste à mettre des nichoirs à mésanges dans les arbres. Petit à petit, les oiseaux viennent s’installer dans les oliviers et au moment où la mouche de l’olive apparaît, la mésange gobent les mouches sans pour autant qu’il n’y ait aucune intervention humaine de quelques produits de quelque produit que ce soit, même dit « naturel » !
C’est en réalité une remise en place de la biodiversité ?
Absolument ! Autre exemple concret, c’est aussi gérer le sol avec des outils mécaniques et non pas avec des produits chimiques. Un arbre prend 80 % de ces micro-nutriments dans le sol nécessaire à son épanouissement. 20 % de sa croissance vient du soleil grâce au phénomène de photosynthèse. Les pratiques d’agroécologie consistent, non pas à mettre des produits chimiques dans le sol qui anéantirait toute la vie autour de l’arbre et les nutriments qui pourraient s’y trouver, mais au contraire, faire un travail mécanique de façon à ce que les sols soient bien aérés et que l’arbre profite pleinement des nutriments qui sont et puisse faire ensuite sa photosynthèse avec la complicité du soleil.
La permaculture, est-elle agroécologique ?
Bien sûr. La permaculture, c’est travailler sur des surfaces plus petites, de façon à ce que les espèces qui sont implantées s’enrichissent d’elles-mêmes. Quand on pratique l’agro-écologie, on est proche de ce mode de penser.
Il faut tout de même accepter d’avoir des rendements moindres ?
Quand on pratique une agriculture conventionnelle, on a un avertissement agricole tous les jours, qui vous permet d’utiliser tel ou tel produit phytosanitaire. On corrige les effets de la nature, les rendements sont au rendez-vous. En agro-écologie, on accepte que la nature prenne le pas. Dans un cas, on a des résultats beaucoup plus régulier que dans l’autre où c’est plus incertain. Mais pour quel résultat écologique ?